Pauline au Sahel – and still alive!
Ca y est, mon voyage touche réellement à sa fin… Je suis dans mes derniers jours au Burkina comme en Afrique, et je souhaite en profiter jusqu’au bout, ne pas perdre une seconde des quelques temps qu’il me reste encore dans mes contrés lointaines! Mon objectif : le Sahel, son soleil accablant ses plaines désertiques et ses dunes magnifiques…
Je m’apprête à prendre de nouveau un bus burkinabé (décidemment, il est bien organisé ce pays en matière de réseau de bus…même si je me perds un peu entre les anagrammes de la 10aine de compagnies existantes) quand on m’alerte sur les dangers actuels courus au Sahel ; les ressortissants français seraient fortement incités par l’ambassade à repartir au plus vite suite aux menaces et attentats conduits par Al Quaida dans la région…
Je me renseigne, suis les informations, passe quelques coups de fils : le sahel c’est grand, et si l’ingérence française en a énervé plus d’un en Mauritanie, la partie désertique burkinabé ne semble pas réellement concernée par le conflit. Malgré cela certains toubabous que je rencontre annulent leur escapade dans la zone.
Qu’à cela ne tienne, moi je pars toute pleine de bonne volonté et prête à affronter la chaleur torride et/ou les kalach horribles confiante en la bonne étoile qui m’accompagne depuis ces derniers mois.
Les heures passent….à travers les fenêtres du bus, la végétation change de manière inattendue, les plaines verdoyantes laissent soudain place à des zones complètement arides de roches et pin épineux auxquels il vaut mieux ne pas se frotter. Ca et la, soulevant des nuages de sable rougeoyant, quelques troupeaux de vaches cornues énormes en taille mais bien peu épaisses (faut dire y’a pas grand-chose à brouter) menées par de magnifiques hommes peuls accoutrés tous de manière identique : un chapeau permettant la pose d’un turban protecteur de soleil, un « par-dessus » en coton qui les couvre entièrement (comment font ils pour supporter?) et un grand bâton généralement porté derrière la nuque les bras de chaque coté auquel pend une sorte de gourde pleine d’eau (enfin, j’espère que c’est de l’eau..). Ponctuellement, quelques chameaux et dromadaires viennent parfaire ce paysage qui me semble parfois directement sorti de mon imaginaire.
A cela succède tout aussi soudainement une vision angoissante de désastre naturel : la saison des pluies est particulièrement forte cette année, la crue des rivières asséchés la plupart du temps à dépassé toutes les prévisions et détruit tous les barrages et digues de protection. Des villages entiers ont été rasés et certaines routes sont enfouies sous les eaux. Au milieu des débits, seules quelques branches d’arbres encore debout permettent de deviner l’habituel visage de la zone submergée qui entoure le car. Je regarde les yeux écarquillés ces morceaux de vie africaine, tellement belle, mais parfois tellement dure… Changement climatique tentes tu de faire passer un message ?…
J’arrive finalement dans la petite bourgade de Dori de nuit. J’ai tout de même pris la peine de prévenir mon contact sur place afin qu’il vienne me chercher pour m’emmener directement à Gorum Gorum dans le but d’économiser du temps mais également pour écarter des craintes d’un éventuel enlèvement d ‘un taxi mal intentionné, c’est bien d’être insouciante mais point trop n’en faut (psychose quand tu nous tiens). Effectivement, en sortant, immédiatement 2 hommes tentent de me faire croire qu’ils ont été envoyés pour me réceptionner… Maligne comme je suis (qui osera dire le contraire ?) je les questionne tout en ne donnant aucune information me concernant et déjoue rapidement leurs tentatives d’embobinage.
Un homme enturbanné s’approche de moi, il fait nuit, il est vêtu de la tête aux pieds je ne distingue aucuns des traits de son visage : cette fois ci c’est bien lui, comme la scène suivante d’un film qui se déroule devant moi je grimpe sur sa moto et nous partons cheveux (ou turban) au vent sous un superbe clair de pleine lune, seuls sur une piste de sable délimitée par quelques bosquets et petits poteaux le long des ponts et cassis permettant à l’eau de circuler sans trop maltraiter la route….jusqu’à ce que…
Jusqu’à ce que nous arrivions à un endroit ou plusieurs taxis et cars semblent être stoppés, comme bloqués. Les conducteurs dorment sur des nattes sous le moteur et les passagers mal assis à leur place. Nous retrouvons un petit attroupement d’homme : la route s’est écroulée à deux endroits successifs sous l’accumulation des passages de camions « I am gold » en direction de la mine d’or toute proche et des 190cm de pluie qui sont tombés ces trois derniers jours. Il est impossible de passer en véhicule, il faut traverser à pied et se faire convoyer de l’autre coté. Ce n’est pas ce petit contre temps qui va m’arrêter, je suis une aventurière non ? Ni une ni deux, je remonte bien gentiment mon pantalon, enlève mes chaussure et me mets d’accord avec ces messieurs pour un tarif qui nous permettrait de faire passer la moto de l’autre coté… C’est parti ! En fait, j’ai de l’eau jusqu’à la taille-je comprend maintenant pourquoi les gens riaient en me voyant remonter mon pantalon – mes pieds s’enfoncent dans une boue vaseuse et je risque à tout moment de me faire « croche pater » par une racine d’arbre qui me ferait tomber dans un trou d’eau encore plus profond… Arrivés sur l’autre rive, parfaitement trempés, je nous félicite, mon compagnon d’infortune et moi même de n’avoir pas laissé tomber mon sac et nous autorise une petite clope de décompression… Ca à l’air bien parti pour des expériences intenses !
Une heure plus tard nous arrivons presque complètement secs à Gorum. Petite bière pour se remettre du trajet périlleux et installation pour ma nuit chez mon hôte : une natte par terre et mon sac a viande, avec mon pull comme oreiller ca sera parfait. Il n’y a ni douche (comprendre point d’eau suffisamment proche pour aller en chercher à cette avancée de la nuit), ni électricité, c’est donc crasseuse, les pieds vaseux tâtonnant à l’aveuglette que je m’écroule dans les bras de Morphée.
Le lendemain, réveillée à 4h30 par le muézin (euh, c’est comment qu’on écrit ca ?), je découvre de jour cette région désertique qui me fascine ; les habitations petites pales et carrées avec des murs tres épais, l’organisation de la vie qui commence à l’aube et s’assoupie au moment du soleil tapant, l’ambiance qui règne de mélange culturel, d’accueil et de partage … je me sens ici comme chez moi et pourtant, je dois probablement faire tache (blanche) dans le tableau.
Pendant que je tombe en pamoison devant tout ce que je découvre, toute une effervescence se crée autour des quelques français présent, l’ambassade à mis un véto : quiconque ne rentre pas immédiatement ne sera pas pris en charge par le gouvernement qui retire sa responsabilité dès lors qu’on reste sur le terrain. C’est une véritable problématique pour le pays, tout le monde en parle, Kouchner se ballade dans les zones concernées, et nous subissons une menace qui n’est qu’indirectement liée à nous (par le nom de la zone géographique uniquement) sans que personne ne se soucis du sort qui en découle… En réalité, alors que la situation est vraiment difficile actuellement à cause des dites pluies comme j’en ai eu la preuve devant mes yeux, l’ensemble des ONG présentes (tres majoritairement françaises) sont obligées de fermer et de laisser rentrer les ressortissants pour répondre aux demandes gouvernementales délaissant une situation bien plus critique qu’elle ne l’était déjà.
Personnellement, pour n’inquiéter personne je n’ai pas dit que j’étais présente dans la zone, je décide donc tout simplement de continuer mon périple à dos de chameau ou de moto aussi longtemps que possible sans jamais ressentir la moindre tension sur le terrain.
Sur ce, je suis revenue, pleine de souvenirs et d’émotion avec pour seule envie celle de repartir en trek suivre les nomades pour remonter vers le sahara…mais ca sera une prochaine épopée de Paulino… qui ne se fera pas trop attendre je l’espère.
Salam Aleykum à tous